La ville d'Izmir tire les leçons du passé pour façonner son avenir

La place Konak, à Izmir, à la mi-journée.

La place Konak, à Izmir, à la mi-journée.

  • La ville d'Izmir a été marquée par une urbanisation rapide et des tensions sur les ressources hydriques, exacerbées par le changement climatique.
  • Un partenariat de long terme avec IFC a permis de résoudre les problèmes de qualité de l'eau, d'améliorer les services d'approvisionnement et de traitement des eaux usées, avec un impact positif sur la faune, la flore et la biodiversité de la région.
  • L'accord d'un prêt en monnaie locale et lié à des critères de durabilité, destiné à l'usine de traitement de l'eau potable de Foça, est une première pour le pays.
  • Près de la place Konak, à Izmir, Ali Hıdır Köseoğlu observe les ferries qui sillonnent la baie, depuis son bureau du quatrième étage de l'Administration des eaux et de l'assainissement d'Izmir (IZSU). L'eau occupe toutes ses pensées. En tant que directeur général de l'IZSU, il supervise la relation de la ville avec sa baie. Il explique que s'adapter à un environnement changeant est un défi, citant les problèmes consécutifs à la pollution, au traitement des eaux usées et aux fluctuations saisonnières de la demande en eau, tous exacerbés par le changement climatique.

    Troisième ville la plus peuplée de Türkiye, Izmir est riche de plus de 8 500 ans d'histoire. Imprégnée de ce passé, la ville abrite le plus ancien bazar d'Europe et s'est développée sur 22 kilomètres de littoral le long des eaux scintillantes du golfe d'Izmir. 

    Ces eaux sont le cœur battant de la ville. Mais les dernières générations ont nettement ressenti l'impact de l'urbanisation rapide d'Izmir, à l'image de toute la Türkiye. La croissance urbaine a débordé sur la baie, dont les eaux polluées étaient connues pour leur odeur désagréable. L'approvisionnement en eau de la ville a également connu de fortes tensions, en particulier pendant les mois d'été quand de nombreux touristes turcs et étrangers visitent la région, ce qui a mis à mal la capacité de l'IZSU à répondre à l'augmentation de la demande.

    Izmir n'est pas la seule à faire face à de tels problèmes. L'urbanisation galopante et le changement climatique affectent les villes du monde entier. Pour la professeure Gökşen Çapar, directrice de l'Institut de gestion de l'eau de l'université d'Ankara, le changement climatique pose des risques particuliers pour le cycle de l'eau et a des conséquences négatives sur les ressources. « Tous les phénomènes météorologiques extrêmes, comme les sécheresses et les inondations, risquent de menacer la sécurité hydrique dans les services urbains d'adduction d’eau », explique-t-elle. Cela souligne l'importance de l'adaptation et le fait qu'il est essentiel d'appliquer des solutions résilientes au changement climatique et sobres en carbone pour remédier à ces problèmes tout en respectant la nature. 

    Au cours de la dernière décennie, un partenariat de long terme a été mis en place entre la municipalité et IFC, qui a permis à Izmir d'obtenir plus de 400 millions de dollars auprès d'un groupe de prêteurs pour financer plusieurs projets.

    En 2021, ce partenariat a aidé la ville à relever les défis critiques liés à l'approvisionnement en eau et aux services d'assainissement. Il s'agissait notamment de construire une usine de traitement de l'eau potable à Foça grâce à un soutien sans précédent, puisqu'il s'agissait du premier prêt à long terme en monnaie locale accordé à une ville de Türkiye. Ce prêt unique en son genre a permis d’éliminer les risques de change et garantir les prix pour l’IZSU, permettant ainsi de bénéficier d’un prêt international à des conditions locales.

    Vue de la ville d'Izmir depuis la baie.

    Vue de la ville d'Izmir depuis la baie.

    Vue de la ville d'Izmir depuis la baie.

    Un père et son fils se rafraichissent aux fontaines publiques de la place Konak.

    Un père et son fils se rafraichissent aux fontaines publiques de la place Konak.

    Un père et son fils se rafraichissent aux fontaines publiques de la place Konak.

    Un pêcheur revient au port, à la périphérie d'Izmir.

    Un pêcheur revient au port, à la périphérie d'Izmir.

    Le site de production d'eau potable de Foça vu d'en haut.

    Le site de production d'eau potable de Foça vu d'en haut.

    Le site de production d'eau potable de Foça vu d'en haut.

    L'usine d'eau potable de Foça a considérablement amélioré le réseau d'approvisionnement d'Izmir, bénéficiant à environ 463 000 habitants et fournissant une eau potable de meilleure qualité à environ 200 000 personnes.

    L'usine de traitement de l'eau potable de Foça 

    Sur le site de l’usine de Foça, niché dans les collines autour de Yeni Foça, le calme de la vallée où paissent des moutons sur les pentes fertiles est interrompu par le vrombissement régulier des pompes. Serhat Ural, responsable des opérations de filtration, explique la quatrième étape du processus, au cours de laquelle l'eau est filtrée à travers trois types de sable. Alors que l'eau colorée par le fer se précipite sur les carreaux de céramique du réservoir et part vers l'étape suivante, le technicien explique en quoi ce processus est si important pour les habitants des huit districts locaux, qui l'utilisent pour la cuisine, la toilette et le nettoyage.

    Les eaux souterraines et de surface sont d'abord collectées et traitées par l'usine, avant que l'eau potable soit distribuée dans toute la région. La station de Foça a considérablement amélioré le réseau d'approvisionnement en eau d'Izmir, bénéficiant à environ 463 000 habitants et fournissant une eau potable de meilleure qualité à environ 200 000 personnes. Cette usine, qui a bénéficié du prêt octroyé par IFC en 2021, est un élément clé du réseau d'infrastructures qui permet à la ville de s'adapter à des conditions météorologiques plus extrêmes et de fournir en continu de l'eau potable à une population dont le nombre augmente considérablement pendant les mois d'été. 

    Aujourd'hui, avec l'aide régulière des partenaires du développement, la mise en service de nouvelles installations d'eau potable promet un accès durable aux 4 millions d'habitants de la ville, et la protection des zones de conservation assure des territoires de reproduction propices pour la faune et la flore exotiques de la ville.

    Cependant, malgré les stratégies mises en place pour garantir aux 4,3 millions d'habitants de la région un accès continu à l'eau potable, l'évolution des conditions météorologiques risque de compromettre ces plans. L'une des principales préoccupations est l'impact potentiel sur la disponibilité de l'eau. « Les fluctuations induites par le changement climatique posent des problèmes pour nos systèmes de collecte de l'eau », explique Serhat Ural. Par exemple, en 2023, les barrages ont connu leur niveau de remplissage le plus bas des 15 dernières années. Le forage de nouveaux puits — coûteux — est nécessaire pour répondre à la demande. Serhat Ural ajoute que l'impact du changement climatique sur les méthodes de collecte de l'eau constitue un nouveau défi pour la ville, qui nécessitera à la fois des technologies et des financements.

    Un verre d'eau produit à l'usine d'eau potable de Foça.ater treatment plant.

    Un verre d'eau produit à l'usine d'eau potable de Foça.ater treatment plant.

    Un verre d'eau produit à l'usine d'eau potable de Foça.ater treatment plant.

    L'eau est filtrée à travers trois types de sable.

    L'eau est filtrée à travers trois types de sable.

    L'eau est filtrée à travers trois types de sable.

    Quatrième étape du processus, où l'eau est filtrée à travers trois types de sable.

    Vue aérienne du processus de traitement de l'eau.

    Vue aérienne du processus de traitement de l'eau.

    Un partenariat basé sur la confiance

    L'usine de Foça est le dernier exemple en date de la collaboration entre Izmir et IFC. La relation de travail qui s'est nouée au cours des dix dernières années, dans le cadre de l'Initiative pour les villes d'IFC, a permis de financer différents projets municipaux, dont un tramway qui relie les quartiers éloignés au centre-ville, un système intelligent de gestion du trafic et l'amélioration des services d’alimentation et de gestion des eaux usées. L’IZSU a été l'un des tout premiers membres du réseau Utilities for Climate (U4C) d'IFC, qui aide les compagnies d'eau à trouver des solutions respectueuses du climat pour remédier à leurs problèmes, grâce à des investissements, une assistance technique et des collaborations pour le partage des connaissances. « Le savoir-faire d'IFC, son expertise internationale, son cadre institutionnel et ses exigences de reporting ont été essentiels pour aider la ville à relever certains des défis environnementaux auxquels elle faisait face », explique M. Köseoğlu.

    L'approche globale et le succès du partenariat avec Izmir ont servi de base au déploiement de l'Initiative pour les villes d'IFC dans le monde entier et ont donné lieu à des partenariats avec Bogota (Colombie), Ekurhuleni (Afrique du Sud) et Zagreb (Croatie), entre autres. Les résultats obtenus à Izmir découlent d'efforts conjoints. En effet, IFC a aussi pu mobiliser la MIGA pour renforcer l'accès à des sources de financement bancaire à long terme, et faire intervenir la BIRD pour qu'elle accorde un prêt en 2022 afin de déployer des services d'intervention d'urgence dans les villes.

    Les activités de conseil ont également aidé Izmir à préparer sa stratégie et son plan d'action pour une ville intelligente, ainsi qu'un plan d'action pour la biodiversité qui vise à préserver les massifs coralliens du littoral. Le partenariat entre IFC et la municipalité d'Izmir a évolué au fil de ces multiples engagements et il a permis d'améliorer considérablement l'environnement urbain. Pour Tunç Soyer, le maire d'Izmir, IFC a été « bien plus qu'une source de financement, c'est un partenaire dont l'expérience mondiale contribue à façonner l'avenir de la ville ».

    Les améliorations apportées aux infrastructures de l'eau aident la ville à faire face aux problèmes de pénurie résultant du changement climatique. Grâce à l'efficacité des nouvelles technologies, le taux de traitement des eaux usées a atteint 97 %, soit non seulement un taux conforme aux normes de l'UE, mais aussi le plus élevé du pays et deux fois supérieur à la moyenne nationale, précise M. Soyer.

    Le déploiement de technologies pour relever les défis de l'infrastructure afin de lutter contre la raréfaction des ressources hydriques est un problème rencontré par les villes du monde entier. « Dans les économies émergentes, les villes comme Izmir sont face à une demande massive de nouvelles infrastructures et il est essentiel de les développer avec le moins d’émissions carbone possible pour combattre le changement climatique », souligne Hela Cheikhrouhou, vice-présidente régionale d'IFC pour le Moyen-Orient, l'Asie centrale et la Türkiye. « Notre travail avec les villes les aidera à passer à des environnements bâtis durables, inclusifs et écologiques. »

    Le financement de 2021 est significatif à l’échelle mondiale, car il s’agit du premier prêt lié à des critères de durabilité accordé par IFC dans le domaine des infrastructures. Ce type de prêt entend favoriser et soutenir une activité et une croissance économiques durables sur le plan environnemental ou social. Ainsi, le plan d'action pour l'égalité entre les sexes mis en place par l'IZSU dans le cadre de cet investissement a renforcé la place des femmes en son sein. Trente femmes ont été embauchées à des postes traditionnellement occupés par des hommes, et l’IZSU a mis sur pied une formation à l'échelle de l'entreprise ainsi que des mécanismes de signalement pour l'ensemble du personnel afin de traiter les cas de violence de genre. Pour Nalan Akıner, directrice financière de l'IZSU, ces actions ont eu un impact sur la culture de l'entreprise et ont abouti à un « changement de mentalité au sein de l'entreprise, où les femmes ont acquis plus de confiance en soi ».

    Des panneaux fournissent des informations détaillées sur les oiseaux qui vivent dans la région.

    Des panneaux fournissent des informations détaillées sur les oiseaux qui vivent dans la région.

    Des panneaux fournissent des informations détaillées sur les oiseaux qui vivent dans la région.

    Un pêcheur brandit sa prise du jour dans la baie d'Izmir.

    Un pêcheur brandit sa prise du jour dans la baie d'Izmir.

    Un pêcheur brandit sa prise du jour dans la baie d'Izmir.

    Un pêcheur profite des eaux propres de la baie à proximité de la ville.

    Un pêcheur profite des eaux propres de la baie à proximité de la ville.

    Un pêcheur profite des eaux propres de la baie à proximité de la ville.

    Un paradis pour les oiseaux

    La vision à long terme et l'attention portée à l'eau qui entoure la ville ont également eu un impact significatif sur un autre groupe d'occupants des lieux. 

    Le Paradis des oiseaux d'Izmir, un site de conservation et de reproduction de 8 000 hectares, abrite 289 espèces d'oiseaux constitue l'une des plus grandes zones humides de la Méditerranée. Le site est un lieu de vie et de reproduction pour 60 000 flamants roses, l'une des six espèces représentant 10 % de la population mondiale. Outre le fait qu'il abrite des espèces d'oiseaux rares, le site offre également un répit bienvenu à plus de 50 000 oiseaux sur leurs routes migratoires annuelles.

    Le sanctuaire aménagé par la ville d'Izmir pour ces oiseaux témoigne de l'importance du changement qui s'est opéré. Izmir est passée d’une cité portuaire en pleine urbanisation et polluée à une ville durable et verte, consciente de son impact sur la faune et la flore. Et ce choix de la durabilité a des répercussions sur le reste du pays et de la région.  

    Espace visiteurs du Paradis des oiseaux d'Izmir.

    Espace visiteurs du Paradis des oiseaux d'Izmir.

    Espace visiteurs du Paradis des oiseaux d'Izmir.

    Flamants roses dans le sanctuaire du Paradis des oiseaux d'Izmir.

    Flamants roses dans le sanctuaire du Paradis des oiseaux d'Izmir.

    Stratégie pour une baie vivante

    La nouvelle vision de la ville repose désormais sur la « stratégie pour une baie vivante », qui vise à réhabiliter les rivières qui se jettent dans la baie et à créer des corridors verts naturels le long de ces cours d'eau. La concrétisation de cette vision nécessitera des efforts continus, reconnaît le maire Tunç Soyer. Cet avenir ne doit pas être façonné sans tenir compte des leçons du passé, affirme-t-il, soulignant que « la durabilité est l'équité entre passé et avenir ». 

    Pour les habitants d'Izmir, cette attention portée à la bonne santé de la ville et de sa baie est très importante. Sonay Altıntaş, une citadine, a remarqué des améliorations significatives de la baie, notamment une plus grande propreté, une diminution des odeurs et la création de nouveaux espaces publics. Pour elle et les autres Smyrniotes, c'est important, car « la baie est synonyme de transport, de commerce et de divertissement ; en fait, elle représente tout pour nous ».

    Un habitant d'Izmir profite de l'eau potable dans sa maison.

    Un habitant d'Izmir profite de l'eau potable dans sa maison.

    Un habitant d'Izmir profite de l'eau potable dans sa maison.