Un pas courageux vers l’égalité des genres
À Izmir, un nouveau programme redéfinit le rôle des femmes sur le lieu de travail.

Dans la fraîcheur matinale de la Journée internationale des femmes du 8 mars 2022, 30 femmes vêtues de vestes fluorescentes flambant neuves, de pantalons sombres, de bottes de travail et de casques de chantier franchissaient les grilles du site d'équipement lourd d’IZSU, la société d’eau et d’assainissement de la municipalité d’Izmir, pour entamer un nouveau chapitre de leur vie.
Embauchées à des postes traditionnellement occupés par des hommes, elles constituaient la première vague d'un objectif à plus long terme visant à embaucher 300 femmes dans des postes similaires d'ici 2025. Parallèlement à la formation à l'égalité des genres dispensée à l'ensemble du personnel, ce nouveau recrutement a, selon Nalan Akıner, directrice financière à IZSU, « changé les mentalités dans l’ensemble de l’entreprise, où les femmes ont acquis plus de confiance. »
L'égalité entre les hommes et les femmes en Türkiye
Malgré les avancées en matière d’égalité des genres en Türkiye, les statistiques montrent que les femmes se heurtent toujours à des difficultés. Selon le rapport 2023 sur les inégalités femmes-hommes du Forum économique mondial, la Türkiye occupe le 129e rang en matière de parité hommes-femmes, sur 146 pays classés. En 2022, le taux de participation des femmes à la population active était estimé à seulement 35,1 %.
En dépit de ces défis, Izmir s'est toujours distinguée comme une ville de femmes. La municipalité a d’ailleurs été nommée d'après les Amazones, ces guerrières qui ont combattu lors de la bataille de Troie. Expertes en tir à l’arc, en équitation et en arts martiaux, les Amazones étaient réputées pour leur agilité, leur courage et leur habileté égales à celles des hommes. Pour Tunç Soyer, le maire d'Izmir, l'émancipation des femmes reste un élément important de la culture de la ville, car « la ville a un avenir si les femmes ont du pouvoir. »
Le recrutement du groupe de femmes constitue la première étape du plan d'action d'IZSU visant à promouvoir l'égalité sociale entre les hommes et les femmes. Ce plan a été élaboré dans le cadre du premier prêt d’IFC lié à la durabilité, assorti d'indicateurs et d'objectifs de performance en matière d'égalité des genres dans le secteur mondial des infrastructures. Un prêt lié à la durabilité est un prêt conçu pour soutenir des objectifs environnementaux et sociaux ambitieux. Selon cette structure de financement, IZSU pourrait bénéficier d'une légère baisse du taux d'intérêt global du prêt octroyé par IFC si, d’ici décembre 2025, au moins 300 femmes sont recrutées pour occuper des postes actuellement sous-représentés.
Ce programme s'inscrit dans le cadre de l'engagement plus large d’IFC en faveur de l'égalité hommes-femmes et de l'inclusion économique. À ce titre, IFC a engagé, au cours de l'exercice 23, un montant record de 9 milliards de dollars en faveur de projets intégrant une composante genre.

L'application du plan d'action visant à promouvoir l'égalité sociale entre les hommes et les femmes a eu un impact significatif sur le personnel d'IZSU. Découvrez le témoignage de cinq employées.
Gülden Kodalak

Gülden Kodalak est conductrice de pelle excavatrice. Elle a perdu son emploi dans le domaine du marketing lorsqu'elle est tombée enceinte. Mariée et mère de famille, elle a eu du mal à réintégrer le marché du travail. Elle est restée au chômage pendant plus de cinq ans avant que l'opportunité d’emploi à IZSU ne se concrétise. Cet emploi a bouleversé la vie de Gülden et celle de son enfant.
« Cet emploi m'a permis de devenir financièrement indépendante et d'élever mon fils sans aide extérieure. »
Elle est fière aussi de briser les stéréotypes selon lesquels certains emplois sont aujourd’hui encore réservés aux femmes. Pour Gülden, « il est important de montrer à la Türkiye et au monde que les femmes sont tout aussi capables que les hommes », ce que son nouveau rôle et le programme d'IZSU lui permettent de démontrer à sa famille et à sa communauté.
Sitem Banedir

Sitem Banedir, une conductrice de pelleteuse à IZSU, cherchait un emploi depuis un certain temps. Le fait d'être embauchée dans le cadre du plan d'action revêt une importance particulière pour elle.
« Je suis fière d’occuper ce poste, surtout en tant que femme en Türkiye et d'être capable de voler de mes propres ailes. Avoir cette liberté financière me permet désormais de subvenir à l'éducation de ma fille. »
Après avoir été confrontée aux préjugés et au harcèlement dans ses emplois précédents, travailler dans le cadre de ce programme est libérateur pour Sitem. « Je sens maintenant que je n'ai pas de limites, que j’ai la capacité, l’autonomie et la confiance pour faire n'importe quel travail », dit-elle. Affronter les stéréotypes sur ce que pouvait faire une femme dans le monde du travail était un autre défi, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. « Au début, les camarades de classe de ma fille ne croyaient pas que je faisais ce travail. Maintenant, ils pensent que je suis une super maman », ajoute-t-elle.
Aylin Kaleli

Aylin Kaleli, comptable de formation, a été confrontée à des difficultés sur son lieu de travail tout au long de sa carrière. « Il n’est pas facile d'être une femme active en Türkiye, il y a beaucoup de stéréotypes sur les emplois qui conviennent le mieux aux femmes. »
Heureusement, les choses ont changé à IZSU, où elle travaille aujourd’hui comme opératrice d’équipement lourd. « Je me sens soutenue par mes collègues, par la direction et par l'ensemble du personnel. » Sa nouvelle carrière rayonne au-delà de l'enceinte de l'usine.
« La stabilité et les responsabilités que m'offre ce poste m'ont permis de montrer l'exemple aux personnes qui m'entourent. Je peux être un modèle pour la prochaine génération. »
Pelin Tasdivar

Pour Pelin Tasdivar, conductrice de poids lourds à IZSU, les choses ont changé pendant la pandémie de COVID-19. Après avoir perdu son emploi dans l'éducation, elle était restée au chômage pendant plus de deux ans. Les possibilités d'emploi étant limitées, elle avait envisagé de déménager dans une autre ville, espérant ainsi trouver d’autres perspectives. Une annonce pour le programme de formation d’IZSU postée sur Instagram a changé la donne.
Bien qu'elle ait posé sa candidature, qu'elle ait satisfait aux exigences et qu'elle ait passé une journée d'évaluation, Pelin ne nourrissait pas beaucoup d'espoir pour un poste qu'elle considérait comme une occasion en or. Un mois plus tard, son inquiétude se révélait infondée : « J'ai reçu un appel m'annonçant que j'avais été sélectionnée, ma mère et moi pleurions de joie dans la cuisine. »
Nalan Akıner

Pour Nalan Akıner, directrice financière à IZSU, l'impact du programme pour l’égalité sociale entre les hommes et les femmes a véritablement dépassé l’enceinte du site d'équipement lourd. « Les mentalités ont changé au sein de l'organisation, les femmes sont traitées avec plus de respect. L’impact direct du programme est, selon moi, l’augmentation de la confiance en soi de nos employées », indique-t-elle.
Comme les Amazones avant elles, les femmes à IZSU contribuent à redéfinir les rôles des hommes et des femmes et ce dont elles sont capables.
« La certitude qui régnait auparavant a fait place au courage. »
Publié en mars 2024
