La Barbade en marche vers la résilience climatique

Les phénomènes climatiques imprévisibles transforment l'avenir des petits États et des nations insulaires. Pour accroître sa résilience au changement climatique, la Barbade joue la carte de la technologie, et notamment des solutions exploitant les données, avec cet avantage qu'elles sont adaptables à d'autres domaines.

Skeetes Bay, autrefois une plage animée et un marché aux poissons florissant, est désertée en raison de l'érosion et de l’afflux de sargasses, une variété d’algue brune qui menace les écosystèmes, les économies et la santé.

Skeetes Bay, autrefois une plage animée et un marché aux poissons florissant, est désertée en raison de l'érosion et de l’afflux de sargasses, une variété d’algue brune qui menace les écosystèmes, les économies et la santé.

Alison Buckholtz. Multimédia : Armando Gallardo et Julia Schmalz.

Un carnet dans une main et un crayon dans l'autre, Katrina Chapman inspecte une portion de plage près de Bridgetown, à la Barbade, puis lève les yeux vers les paisibles eaux turquoise de Pile Bay. Mais elle ne fait pas qu’admirer le paysage.

Directrice du centre d'arrivage de Pile Bay, elle suit l'afflux de sargasses. En plus d'étouffer les récifs de corail, ces algues brunes aux longues ramifications s'emmêlent dans les filets des pêcheurs, dont la subsistance dépend de leurs prises quotidiennes – entre autres, celles de poissons volants, espèce qui constitue le plat national de la Barbade et qu'affecte aussi la prolifération des sargasses. Le réchauffement des eaux et d'autres facteurs accélèrent leur croissance partout dans les Caraïbes. Katrina Chapman, dont la famille pêche ici depuis trois générations, n'a jamais vu pareils monceaux d'algues pourrissant sur les plages.

 

 

Elle avoue son inquiétude. Tandis qu'une petite embarcation de bois accoste, elle note les observations des pêcheurs sur la quantité de sargasses et sur la direction qu'elles suivent. De retour au centre d'arrivage, elle examine le poisson et inscrit dans son carnet le poids et la taille des prises de chaque bateau, ainsi que le lieu de pêche et la méthode employée.

Katrina Chapman documente chaque prise de poissons, comme ici, avec le pêcheur au harpon Andre Ferguson. Les informations sur le rendement des pêcheurs, notamment les données sur la température et la qualité, permettent d’obtenir l’étiquetage produit durable - une certification qui aide l'industrie de la pêche de la Barbade à accéder aux principaux marchés d'exportation.

Katrina Chapman documente chaque prise de poissons, comme ici, avec le pêcheur au harpon Andre Ferguson. Les informations sur le rendement des pêcheurs, notamment les données sur la température et la qualité, permettent d’obtenir l’étiquetage produit durable - une certification qui aide l'industrie de la pêche de la Barbade à accéder aux principaux marchés d'exportation.

C'est l'une des dernières semaines où elle consigne sur le papier l'activité de Pile Bay. En effet, le centre recevra bientôt des tablettes numériques couplées avec le projet DigiFish, nouveau programme collaboratif de collecte de données auquel contribuent les pouvoirs publics, la société civile et le secteur privé. Le but de ce projet est de rendre les opérations plus efficaces, de faciliter l'accès à de nouveaux marchés, d'intégrer les savoirs hérités des précédentes générations et de faire face aux conséquences du réchauffement planétaire.

Mais le réchauffement de la planète n’affecte pas seulement le secteur de la pêche de la Barbade. Par sa situation géographique, le pays est vulnérable aux multiples impacts de la crise climatique. Les phénomènes météorologiques imprévisibles, l'érosion des côtes, l'appauvrissement des sols et l'instabilité des nappes phréatiques se conjuguent pour créer ce que la Première ministre Mia Amor Mottley appelle une « menace existentielle ».

À la Barbade comme dans d'autres régions et villes côtières, « notre survie même est en jeu, affirme-t-elle. C'est pourquoi nous devons passer à l'action, de manière décisive et immédiate. Les difficultés qui se dressent devant nous sont impressionnantes, et nous les affrontons avec détermination, en alliant des politiques hardies à des mesures concrètes, inscrites dans la vie locale, qui nous aident d'ores et déjà à progresser vers nos objectifs climatiques. Mais il faut maintenant passer à la vitesse supérieure. »

La résilience en action : Alyssa-Amor Gibbons et les ministres du gouvernement décrivent les menaces liées au changement climatique auxquelles la Barbade est confrontée et les moyens de faire face à ces défis.

Pour relever ce défi, le gouvernement de la Barbade a lancé Roofs to Reefs (Des toits aux récifs), une stratégie nationale destinée à rendre le pays plus résistant au changement climatique et aux phénomènes météorologiques imprévisibles. L'un des axes clés de cette stratégie réside dans la numérisation et l'utilisation de données pour identifier les risques et définir des objectifs. Les tablettes numériques que recevra bientôt Katrina Chapman sont l'une des composantes de la démarche technologique, fondée sur les données, que l'État a adoptée pour renforcer les infrastructures, promouvoir les énergies renouvelables et cultiver les emplois verts.

« Sans la technologie et les données qui nous permettent de définir des objectifs climatiques, nous n'avons aucune chance d'assurer une certaine durabilité, déclare Shantal Munro-Knight, ministre attachée au cabinet de la Première ministre et chargée de la résilience climatique. Quand nous serons aptes à déployer des ressources adéquates, en fonction des données sur notre vulnérabilité, nous pourrons entreprendre des actions systématiques au lieu de procéder au coup par coup... et protéger notre environnement ainsi que les communautés qui ont le plus besoin d'aide. »

Pour Makhtar Diop, directeur général d'IFC « l'ampleur et l'impact du défi climatique exigent un leadership. Le programme Roofs to Reefs mis en place par la Barbade est à la fois novateur et pratique. De plus, il est applicable à l'ensemble des Caraïbes, ainsi qu'à d'autres pays insulaires vulnérables. »

Grâce à l’initiative DigiFish, les pêcheurs peuvent installer des trackers GPS dans leurs bateaux pour étudier et améliorer les pratiques de pêche durables.

Grâce à l’initiative DigiFish, les pêcheurs peuvent installer des trackers GPS dans leurs bateaux pour étudier et améliorer les pratiques de pêche durables.

Neville Huggins prépare l’appât pour le piège à poissons. Pour gagner leur vie, beaucoup de pêcheurs combinent la pêche sous-marine au harpon et l’utilisation de pièges.

Neville Huggins prépare l’appât pour le piège à poissons. Pour gagner leur vie, beaucoup de pêcheurs combinent la pêche sous-marine au harpon et l’utilisation de pièges.

L’ouragan Elsa qui a frappé la Barbade en 2021 a généré un nombre record d'impacts de foudre, privant la population d’électricité pendant cinq jours et entraînant la destruction de milliers d’habitations. Classé en catégorie 1, Elsa a été le premier ouragan à frapper la Barbade en plus de 60 ans.

L’ouragan Elsa qui a frappé la Barbade en 2021 a généré un nombre record d'impacts de foudre, privant la population d’électricité pendant cinq jours et entraînant la destruction de milliers d’habitations. Classé en catégorie 1, Elsa a été le premier ouragan à frapper la Barbade en plus de 60 ans.

Les données façonnent le développement 

Les responsables politiques comme Shantal Munro-Knight connaissent bien les conséquences du changement climatique à la Barbade. L’ouragan Elsa qui a frappé l'île en 2021 a généré un nombre record d'impacts de foudre, privant la population d’électricité pendant cinq jours. Alors que l’ile avait été épargnée par les ouragans pendant 65 ans, Elsa a atteint la Barbade peu après l’éruption catastrophique de la Soufrière, un volcan situé sur l'île voisine de Saint-Vincent. L’éruption a propulsé un panache de cendres, recouvrant la Barbade et entraînant la destruction des récoltes et la fermeture de de l’unique aéroport de l’île, et provoquant de graves troubles respiratoires chez de nombreuses personnes. Le changement climatique affecte aussi des infrastructures critiques – en raison de l'élévation du niveau de la mer, de l'eau salée s'infiltre dans l'eau douce.

Mais, selon Shantal Munro-Knight, savoir ce que l'avenir prépare et s'y préparer soi-même sont deux choses distinctes. Pour améliorer les activités de planification à la Barbade, IFC développe, en étroite collaboration avec les pouvoirs publics, un outil numérique d'identification des risques climatiques et de préparation de la résilience, baptisé « hyperviseur ».

Celui-ci offre des solutions pour réduire les impacts et permet aux utilisateurs de définir les impératifs d'investissements prioritaires, compte tenu des objectifs de résilience nationaux. Cet outil agrège des données issues de sources diverses, organismes publics nationaux ou banques de données mondiales. L'imagerie en trois dimensions qui en résulte comprend la topographie du pays, ses espaces construits et ses sites stratégiques (actuels ou futurs) sur lesquels pèsent des risques environnementaux, en particulier climatiques. L’affichage en zoom permet de vérifier la vulnérabilité aux phénomènes météorologiques (sècheresses ou tempêtes, par exemple), ainsi que les risques d'érosion côtière, d’inondation dans les terres intérieures ou de séismes.  

« Même s'il existe beaucoup de connaissances au sein des institutions et de la population – par exemple, quand les gens vous disent : “À chaque tempête, il y a un glissement de terrain sur cette colline” –, ces informations ne peuvent être exploitées pour élaborer des plans nationaux que si on les a numérisées au préalable », explique Pepukaye Bardouille qui, quand elle était responsable principale des opérations chez IFC, a conçu l'outil et supervisé son développement dans le cadre d'une Plateforme mondiale pour l'identification des investissements consacrés à des infrastructures résilientes dans les petites îles et petits États. (Pepukaye Bardouille est aujourd'hui conseillère spéciale sur la résilience climatique au cabinet de la Première ministre et directrice de l'initiative Bridgetown.)

Shantal Munro-Knight (à droite), ministre attachée au cabinet de la Première ministre et chargée de la résilience climatique, explique comment l’hyperviseur peut aider le pays à se préparer aux effets du changement climatique.

« Ces données sont essentielles car elles influent sur les politiques menées, sur la planification et sur les investissements nécessaires à un futur développement, ainsi que sur les besoins en subventions, ou en financements de faveur assortis de subventions », précise Shantal Munro-Knight. Elle s'est faite l'avocate de l'outil, en soulignant son utilité pour consolider les infrastructures qui ont un effet sur l'existence des gens. L'hyperviseur montre par exemple que le plus grand établissement hospitalier de la Barbade, l’hôpital Queen Elizabeth, a été construit dans une plaine inondable, ce qui le met en péril en cas de grosse tempête.

L'outil « hyperviseur » signale les risques liés au climat à la Barbade. Ce filtre montre les zones menacées par les tempêtes.

L'outil « hyperviseur » signale les risques liés au climat à la Barbade. Ce filtre montre les zones menacées par les tempêtes.

L'outil « hyperviseur » signale les risques liés au climat à la Barbade. Ce filtre montre les zones vulnérables à l'activité sismique.

L'outil « hyperviseur » signale les risques liés au climat à la Barbade. Ce filtre montre les zones vulnérables à l'activité sismique.

L'outil « hyperviseur » signale les risques liés au climat à la Barbade. Ce filtre montre les zones de vulnérabilité côtière.

L'outil « hyperviseur » signale les risques liés au climat à la Barbade. Ce filtre montre les zones de vulnérabilité côtière.

L'hôpital Queen Elizabeth, le complexe de bâtiments bleus illustré ici, est le principal établissement hospitalier de la Barbade. Il a été construit sur une plaine inondable, mettant en péril tout le système de santé et de soins de la Barbade en cas de tempête majeure.

L'hôpital Queen Elizabeth, le complexe de bâtiments bleus illustré ici, est le principal établissement hospitalier de la Barbade. Il a été construit sur une plaine inondable, mettant en péril tout le système de santé et de soins de la Barbade en cas de tempête majeure.

« Quand nous disposons d'informations de ce type, ajoute Shantal Munro-Knight, nous pouvons atténuer les effets d'une éventuelle catastrophe et réfléchir aux ressources à consacrer à la future construction d'un autre hôpital. » Cela impliquerait en outre d'ouvrir de nouvelles routes, de créer des conduites d'eau et des systèmes de production décentralisée d'électricité, et de bâtir près de là des zones d'habitation et des écoles. Il s'agit de plans à long terme qui requièrent une coopération de nombreux organismes publics et du secteur privé.

« L'hyperviseur a été conçu pour montrer où mobiliser le secteur privé, indique Pepukaye Bardouille. Son véritable intérêt est de refléter ce que l'État doit procurer en plus (ou ce qu'il doit réduire) pour atteindre les objectifs de résilience, que ce soit dans les secteurs de l'agriculture ou du tourisme, ou concernant les capacités en énergie éolienne, un nouveau transformateur, une usine de désalinisation... L'hyperviseur signale au secteur privé où intervenir pour soutenir les plans de développement de l'État.

Outil évolutif, il est actualisable au fur et à mesure que l'on collecte de nouvelles données sur les risques ou que de nouveaux projets infrastructurels sont lancés, approuvés ou achevés. Les pouvoirs publics comme les partenaires du développement, le secteur privé et les citoyens peuvent ainsi suivre leur évolution.

Cela est conforme aux objectifs du nouveau fonds Résilience et durabilité accordé pour un montant de 189 millions de dollars par le Fonds monétaire international à la Barbade, qui appelle à intégrer l’adaptation au changement climatique au budget de l'État.

Des solutions au manque d'eau

La technologie et la modélisation des données peuvent aussi renforcer certains secteurs, comme celui de l'eau, selon Karl Payne, maître de conférences et coordonnateur du programme de gestion des ressources en eau au Center for Research Management and Environmental Studies de l'université des West Indies (campus de Cave Hill).

La Barbade, comme la moitié des îles caribéennes considérées en pénurie d'eau, subit le problème des infiltrations d'eau de mer dans ses nappes aquifères, auquel s'ajoute la réduction des précipitations, jusqu’à 40 % d'ici à la fin du siècle, selon une étude de l'ONU.

« De nouvelles solutions, telles que les applications de l'intelligence artificielle (IA) à la résilience climatique, sont particulièrement prometteuses dans le cas de la Barbade, explique Karl Payne, qui observe une “démocratisation des outils d'IA”, comme les logiciels libres accessibles dans le cloud ou l'apprentissage automatique. Les données permettent d'exercer des modèles d'IA à placer des puits dans des endroits peu atteints par l'intrusion des eaux salées, par exemple, ou de proposer des scénarios de réemploi qui favoriseront la sécurité alimentaire et éviteront des pénuries alimentaires. Les modèles peuvent aussi prédire l'évolution du niveau des eaux en fonction des pluies et des régimes de pompage, en orientant ainsi les organismes gestionnaires sur les quantités à stocker. D'autres données, comme celles collectées par des drones, fournissent des indications sur les formes de toit les plus appropriées pour recueillir l'eau de pluie.

Amgad Elmahdi, responsable du secteur de l'eau au Green Climate Fund, pense également que les nouvelles technologies vont apporter des solutions à la Barbade et aux autres pays risquant à long terme des problèmes de sécurité de l'eau : « De nombreuses autorités en charge de la gestion de l'eau, confrontées au changement climatique, au vieillissement des installations, à la croissance démographique, aux contraintes budgétaires, à l'évolution des attentes de la clientèle, et à des demandes croissantes en matière de durabilité, d'environnement et de gouvernance peuvent tirer parti des progrès rapides du numérique, de la modélisation des données et de leur utilité pour la prise de décisions. » Il cite l'aide que procurent les photographies obtenues par des drones pour l'évaluation des risques d'inondation, ces images permettant de créer un modèle de haute précision pour identifier les habitants éventuellement exposés.

Pour Karl Payne, la Barbade est sur la bonne voie : « Certaines mesures prises par l'État sont déjà des réussites, comme l'utilisation de l'énergie solaire pour l'alimentation électrique des réservoirs d'eau. Maintenant que nous commençons à appliquer des méthodes technologiques et scientifiques à nos problèmes de ressources en eau, j'ai bon espoir que nous progresserons aussi dans d'autres domaines. »

Sur la côte sud de l'île de la Barbade, la promenade Richard Haynes montre une usure due au martèlement des vagues.

Sur la côte sud de l'île de la Barbade, la promenade Richard Haynes montre une usure due au martèlement des vagues.

Qu'est-ce qui menace l'approvisionnement en eau de la Barbade ?



La baisse drastique du niveau des nappes phréatiques, conjuguée à la montée du niveau de la mer, provoque l'infiltration de l'eau de mer dans les aquifères d'eau douce de la Barbade, pays où l'eau est rare. L'augmentation des concentrations de sel menace la santé publique et la sécurité alimentaire, car 95 % de l'eau potable de la Barbade provient des aquifères.

Faites glisser les flèches avec votre curseur pour voir comment l'eau salée pénètre dans les systèmes d'eau douce.

Sources : Centre de la Communauté des Caraïbes sur les changements climatiques, CERMES
Infographie : Irina Sarchenko/IFC

« Le programme Roofs to Reefs mis en place par la Barbade est à la fois novateur et pratique. De plus, il est applicable à l'ensemble des Caraïbes, ainsi qu'à d'autres pays insulaires vulnérables. »
Makhtar Diop, directeur général d’IFC

La technologie stimule l'adoption des énergies renouvelables

Les panneaux solaires photovoltaïques (PV) qui parsèment l'île incitent à ajouter un troisième « R » à la stratégie de résilience climatique Roofs to Reefs adoptée par les pouvoirs publics : Renewables (énergies renouvelables). En effet, le gouvernement s'est engagé à mener une transition vers une production d'énergie 100 % renouvelable et à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le pays de 70 % à l'échéance 2030.

« La sécurité énergétique est une composante de notre trajectoire de développement et les énergies renouvelables sont essentielles pour notre avenir », indique Lisa Cummins, ministre de l'Énergie et du Développement commercial. « Nous n'avons pas toutes les réponses, mais les autres pays nous enseignent ce qui fonctionne, et nous, nous partageons nos connaissances avec les petites îles et les pays en développement confrontés aux mêmes risques climatiques. »

Lisa Cummins, ministre de l’Énergie et du Développement commercial de la Barbade.

Lisa Cummins, ministre de l’Énergie et du Développement commercial de la Barbade.

Comme dans toutes les îles tropicales, le soleil abonde à la Barbade, et la technologie solaire y est déjà très largement acceptée. Des chauffe-eau solaires individuels fabriqués localement existent sur le marché depuis 1974. On en trouve partout dans le pays, installés en hauteur, aussi bien près des traditionnelles chattel houses (petites maisons d'ouvriers des plantations) que des habitations plus récentes. Tout aussi répandus, des panneaux PV destinés à la production d'électricité ponctuent les toits des maisons, des bus et des kiosques-épiceries de quartier.

En 2016, Barbados Light and Power Corporation (BLPC), fournisseur national d'électricité à capitaux privés, a lancé l'installation d'une ferme solaire de 10 MW, projet complété en 2018 par 20 MWh de batteries de stockage. Cette centrale photovoltaïque, qui s’étend sur 17 hectares, alimente à elle seule 7 700 foyers. Elle contribue en outre à créer l'économie circulaire visée par le programme Roofs to Reefs, puisque 500 moutons Black Belly y paissent tranquillement, en profitant de l’ombre des panneaux solaires. 

Les chauffe-eau solaires individuels fabriqués localement ont commencé à être installés sur les toits il y a environ 50 ans.

Les chauffe-eau solaires individuels fabriqués localement ont commencé à être installés sur les toits il y a environ 50 ans.

L'utilisation mixte d'un site de production d'énergie renouvelable est particulièrement intéressante sur une île où l’espace disponible est limité, selon Aidan Rogers, conseiller stratégique pour les Caraïbes orientales chez Hydrogène de France (HDF Energy). C'est pourquoi HDF et Rubis SCA, distributeur d'énergie français, avec le soutien d'IFC et d'IDB Invest, développent actuellement Renewstable Barbados, le plus vaste projet des Caraïbes dans le secteur de l'hydrogène. Cette centrale solaire de 50 MW, dotée de batteries de stockage vertes à l'hydrogène et au lithium-ion, alimentera le réseau barbadien, en démontrant ainsi l'intérêt du stockage d'électricité. Pour HDF, c'est un moyen prometteur de gérer la question de l'intermittence des sources d'énergie renouvelables telles que l'éolien ou le solaire.

Ces moutons Black Belly, qui font partie d’un troupeau de 500 têtes, paissent parmi les installations solaires de Barbados Light and Power Corporation et contribuent à l’économie circulaire de l’île.

Ces moutons Black Belly, qui font partie d’un troupeau de 500 têtes, paissent parmi les installations solaires de Barbados Light and Power Corporation et contribuent à l’économie circulaire de l’île.

Les champs solaires, qui appartiennent à Barbados Light and Power, contribuent à l'économie circulaire de l'île.

Les champs solaires, qui appartiennent à Barbados Light and Power, contribuent à l'économie circulaire de l'île.

Explosion de la demande en énergie solaire

L'adhésion massive aux technologies renouvelables est importante à plusieurs titres. Outre l'impact négatif des carburants fossiles sur l'environnement, la forte dépendance de la Barbade envers cette source d'énergie expose le pays aux fluctuations des cours internationaux, avec des effets défavorables sur la compétitivité des secteurs productifs, indique la Banque mondiale (a). De plus, elle grève le budget des ménages, car les coûts de l'énergie à la Barbade figurent parmi les plus élevés au monde et que la consommation privée d'électricité ne cesse d'augmenter.

Pour favoriser l'utilisation de l'énergie solaire, l'État a abandonné l'obligation de permis et adopté le système de la facturation nette, permettant aux particuliers ou entreprises de vendre le surplus d'électricité produit par leurs panneaux photovoltaïques, qui est réinjecté dans le réseau.

Pour les particuliers comme pour les entreprises, « le désir d'installer du solaire dépasse déjà nos attentes, dit Lisa Cummins. Lorsque les gens ont vu qu'il était réellement possible de maîtriser leurs frais d'électricité en faisant poser des panneaux sur leur toit, la demande a explosé. Un véritable changement de mode de vie s'est produit, qui pousse le marché vers l'avant. Les gens perçoivent le rôle qu'ils doivent jouer dans la transition énergétique. »

Le secteur privé a lui aussi un rôle primordial à jouer, à de nombreux égards. « Nous voulons une implication et une coopération du secteur privé local, ajoute la ministre, avec la finance d'entreprise internationale, les réseaux et les ressources, y compris et en particulier la technologie. Nous voulons que nos partenaires privés collaborent très étroitement avec nous de façon à faciliter la transition énergétique pour la Barbade. »

Pour David Staples, directeur exécutif chez Williams Industries, créer des capacités en énergies renouvelables, c'est favoriser l'investissement privé dans un secteur particulièrement prometteur :

« Nous cherchons les domaines dans lesquels intervenir et nous démarquer, pour construire ou reconstruire les infrastructures. » Il estime que Williams Caribbean Capital, branche de Williams Industries, a consacré 60 à 80 millions de nouveaux investissements dans le secteur vert de la Barbade, en particulier dans ses projets d'énergie photovoltaïque solaire, d'infrastructures des eaux et de recyclage des déchets.

Une équipe de Williams Industries pose les câbles qui connecteront les panneaux solaires sur le toit d'une quincaillerie.

Une équipe de Williams Industries pose les câbles qui connecteront les panneaux solaires sur le toit d'une quincaillerie.

Des bancs de poissons se rassemblent près de navires coulés placés intentionnellement pour créer une destination de plongée en apnée pour les touristes à Carlisle Bay. Le tourisme reste le principal moteur de l'économie de la Barbade.

Des bancs de poissons se rassemblent près de navires coulés placés intentionnellement pour créer une destination de plongée en apnée pour les touristes à Carlisle Bay. Le tourisme reste le principal moteur de l'économie de la Barbade.

Une définition inclusive de la résilience

Chacun de ces nouveaux partenariats du secteur privé crée des emplois verts dans le pays, où le tourisme est depuis longtemps le principal créateur d'emploi. Selon les estimations du World Travel and Tourism Council, la contribution totale du tourisme au PIB du pays avoisine 31 % et ce secteur procure 33 % des emplois. Ces chiffres n'incluent pas les employés non déclarés, qui représentent une main d'œuvre considérable.

Cela reflète la forte dépendance de l'ensemble des pays des Caraïbes orientales vis-à-vis du tourisme, principal moteur de leur économie, selon la Banque mondiale (a).

De même que dans d'autres pays des Caraïbes, la COVID-19 a eu des conséquences catastrophiques sur l'économie barbadienne, tributaire du tourisme, ce qui démontre plus que jamais la nécessité de diversifier ses sources de revenus. « C'est là que les emplois verts entrent en jeu, affirme David Staples. Qu'il s'agisse d'installer des toilettes à économie d'eau, de réduire les déchets ou de modéliser des données, la définition des emplois verts évolue, et leur nombre va continuer d'augmenter, la durabilité devenant un sujet de préoccupation central à la Barbade. »

« Le récent soutien financier de 100 millions de dollars de la Banque mondiale en faveur du développement durable dans le pays servira à créer des emplois dans les économies bleue et verte », précisait la Première ministre Mia Amor Mottley lors de l'annonce du financement (a). L'économie bleue recouvre les secteurs de la pêche, du tourisme et du transport maritime, ainsi que d'autres, émergents, comme la mariculture, les énergies renouvelables et la biotechnologie.

Au centre d'arrivage de Pile Bay, où les collecteurs de données munis de tablettes accueilleront bientôt les équipages rentrant de la pêche, Katrina Chapman salue le soutien procuré à la prochaine phase de développement du secteur. Elle se rappelle à quel point la vie de sa grand-mère a changé après la construction du premier centre d'arrivage : désormais, elle pouvait vendre sa pêche sur place au lieu de faire du porte-à-porte avec un plateau de poissons posé sur la tête.

« Si l'on s'occupe davantage de ceux qui ramènent le poisson, qu'ils gagnent mieux leur vie et peuvent soutenir leur famille, c'est bien.

Cette attention à la qualité de vie des personnes et des communautés locales à la Barbade est essentielle à l'idée de résilience, souligne Shantal Munro-Knight, ministre chargée de la résilience climatique.

Car cela n'est pas qu'une question d'infrastructures. Quand nous parlons de logement, d'eau, ou d'un plan de développement physique, nous parlons aussi des personnes, de la pauvreté et du secteur social. Tous participent à la durabilité. La résilience implique d'encourager et de soutenir les gens au niveau de la communauté locale ou du foyer, pour garantir que ce que nous construisons contribuera à protéger leurs ressources et ce qui a de l'importance à leurs yeux. »

Bridgetown, capitale de la Barbade inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO, est une destination touristique majeure des Caraïbes. La pandémie a dévasté l'économie, qui se redresse progressivement selon la Banque mondiale.

Bridgetown, capitale de la Barbade inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO, est une destination touristique majeure des Caraïbes. La pandémie a dévasté l'économie, qui se redresse progressivement selon la Banque mondiale.

Un lien fort avec l'océan : les palefreniers des écuries voisines amènent les chevaux se baigner à Pebbles Beach.

Un lien fort avec l'océan : les palefreniers des écuries voisines amènent les chevaux se baigner à Pebbles Beach.

Appréciant l’océan, des résidents de la Barbade jouent un match de cricket impromptu à Pebbles Beach, à Bridgetown.

Appréciant l’océan, des résidents de la Barbade jouent un match de cricket impromptu à Pebbles Beach, à Bridgetown.

Publié en juin 2023