À la limite du village de Vatani, à l'ombre des palétuviers et des arbres à pain, Manueli Cigomi Tueli cherche des graines.

Presque tous les jours, il quitte sa maison pour parcourir le bord de l'eau, en quête de jeunes pousses de palétuviers. Ces longs bourgeons bruns, aussi fins que des crayons, jonchent le rivage sablonneux de cette partie de l'île principale des Fidji, Viti Levu. Manueli les ramasse, un par un, puis les emporte dans une clairière au cœur de la brousse, où il a créé une pépinière de palétuviers bien vivace. Là, dans des bacs en plastique jaune, des centaines de jeunes pousses de palétuviers grandissent, prêtes à être replantées pour constituer la première ligne de défense des villages de Vatani contre la montée des eaux.

Comme la plupart des nations insulaires du Pacifique, les Fidji font partie des pays les plus vulnérables au changement climatique, ils sont à la merci de phénomènes météorologiques extrêmes tels que les cyclones tropicaux et les inondations. Alors que le gouvernement fidjien et d'autres petits pays insulaires font pression sur le monde industrialisé pour qu'il les aide à faire face aux conséquences du réchauffement de la planète, certains habitants comme Manueli prennent en main l'action climatique avant qu'il soit trop tard.

« Il y a des milliers de graines ici », explique Manueli, debout dans une eau saumâtre près d'un bosquet de palétuviers, près de chez lui. « Ces graines peuvent contribuer à prévenir le changement climatique et à protéger nos zones côtières. »

Dans le village de Vatani, à Viti Levu (Fidji), Manueli Cigomi Tueli montre sa pépinière de mangroves.

Dans le village de Vatani, à Viti Levu (Fidji), Manueli Cigomi Tueli montre sa pépinière de mangroves.

Cet ancien militaire qui a été déployé comme soldat de la paix des Nations Unies au Moyen-Orient s'est récemment retiré dans le village de Vatani, là où il a passé son enfance. Comme son oncle, le chef du village Watson Somidra Bole, il a vu, au fil des années, le trait de côte se rapprocher et s'élever autour du village.

Fort des connaissances transmises de génération en génération par ses ancêtres, la tribu des Naseuvou, Manueli comprend le rôle capital que jouent les habitats de mangrove dans la résilience des côtes fidjiennes. Il parle des racines épaisses et fibreuses de la mangrove, ancrées profondément dans le sable, qui contribuent à protéger son village des raz-de-marée et de l'érosion en ralentissant le flux de l'eau de mer.

Depuis juillet 2023, l'initiative « 30 millions d'arbres en 15 ans » du ministère des Forêts des Fidji a permis de planter plus de 18 millions d'arbres et de palétuviers.

Depuis juillet 2023, l'initiative « 30 millions d'arbres en 15 ans » du ministère des Forêts des Fidji a permis de planter plus de 18 millions d'arbres et de palétuviers.

Le long de la route sinueuse qui relie Suva, la capitale des Fidji, à la station balnéaire de Nadi où la montée des eaux a rongé le littoral sablonneux, on peut apercevoir des rangées de jeunes palétuviers qui émergent du sable à marée basse. Certaines de ces jeunes forêts aquatiques sont le résultat de l'initiative « 30 millions d'arbres en 15 ans » du gouvernement fidjien. Depuis juillet 2023, ce programme géré par le ministère fidjien des Forêts a permis de planter plus de 18 millions d'arbres et de mangroves. La Banque mondiale apporte également son concours en soutenant des programmes qui renforcent la protection des zones humides aux Fidji, notamment la plantation de mangroves et d'herbiers marins. En outre, IFC est toujours à la pointe de la définition de standards afin de développer un marché viable de la finance bleue et de contribuer ainsi à la sauvegarde d'écosystèmes marins fragiles dans le monde entier, y compris dans le Pacifique Sud.

Lorsqu'il ne collecte pas de graines de palétuviers, Manueli s'emploie à nouer des liens avec des agences non gouvernementales de Viti Levu, dans l'espoir de faire distribuer ses bacs de jeunes palétuviers pour que d'autres communautés du pays puissent bénéficier de ces barrières protectrices.

Un jeune palétuvier après l'autre, Manueli est convaincu du pouvoir de l'action individuelle au service d'un but commun. « C'est ma façon d'aider ma communauté et de lutter contre le changement climatique », déclare-t-il.

Les graines de mangrove, aussi appelées « propagules », germent alors qu'elles sont encore attachées à l'arbre parent. Cette adaptation unique leur permet de s'enraciner rapidement dès qu'elles atteignent le sol ou le sable.

Les graines de mangrove, aussi appelées « propagules », germent alors qu'elles sont encore attachées à l'arbre parent. Cette adaptation unique leur permet de s'enraciner rapidement dès qu'elles atteignent le sol ou le sable.

Publié en novembre 2024