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Filière avicole : une poule aux œufs d’or pour les petits agriculteurs

septembre 11, 2024
Petits éleveurs de volaille en Éthiopie Mekia Mekonen s'est lancée dans l'élevage de volailles il y a plus de dix ans. Photo : Mulugeta Wolde

En bref

  • En Éthiopie, un distributeur de volailles soutient les petits éleveurs et contribue à améliorer la sécurité alimentaire dans le pays. 
  • L'aide financière octroyée à EthioChicken contribue à l'amélioration de la disponibilité et de l'accessibilité des produits avicoles dans tout le pays. 
  • L'insécurité alimentaire et la malnutrition restent très répandues dans le pays, où près de 20 % de la population éthiopienne est sous-alimentée.
  • $ 10 millions
    prêt accordé à EthioChicken par le Guichet de promotion du secteur privé de l'IDA (PSW)
  • 35 millions
    de poussins distribués par an EthioChicken

By Daphna Berman

Lorsqu'elle s'est lancée dans l'élevage de volailles il y a plus de dix ans, Mekia Mekonen a investi toutes ses économies pour acheter quelques dizaines de poulets. Quelques mois plus tard, les animaux sont tombés malades et sont morts. Pourtant, comme elle l'a répété il y a peu, « je n'ai pas perdu espoir ».

Au contraire, Mekia a persévéré, cette fois avec l'aide d'EthioChicken, un distributeur de volailles dont le siège se trouve à Addis-Abeba et qui s'est spécialisé dans la résistance des poulets aux maladies.

Et ça a marché : grâce à des conseils pour savoir quand vacciner les animaux, à la construction d'un hangar adapté et à l'adoption de bonnes pratiques de ventilation, et surtout au choix d'une race de poulet plus robuste, l'exploitation de Mekia a commencé à prospérer. Elle élève maintenant plus de 13 000 poussins d'un jour chaque mois, et les revenus générés lui ont permis de payer les frais de scolarité de ses trois enfants, et aussi d'économiser pour construire un nouveau poulailler plus moderne. 

« Tout est en bonne voie pour moi maintenant », dit-elle en faisant une pause dans le hangar des volailles, derrière la maison familiale. « Plus de maladie, plus de poussins morts, plus de problèmes. Je peux penser à l'avenir avec optimisme. »

Pour Mekia Mekonen et les agriculteurs de l'Éthiopie rurale, EthioChicken crée des opportunités économiques, mais offre aussi une précieuse source de nourriture dans un pays où plus de 20 millions de personnes souffraient d’insécurité alimentaire sévère en 2023, selon les estimations de la Banque mondiale. La race introduite par l'entreprise se distingue par une plus grande productivité et un double usage avantageux — en pondant davantage d'œufs que les races traditionnelles et en grossissant plus vite. C'est donc une option plus intéressante que la race locale auparavant privilégiée par les petits éleveurs. 

EthioChicken distribue actuellement 35 millions de poussins par an et prévoit de s'étendre à de nouveaux marchés en Afrique subsaharienne. EthioChicken distribue actuellement 35 millions de poussins par an et prévoit de s'étendre à de nouveaux marchés en Afrique subsaharienne. Photo : Mulugeta Wolde

 

L'aide financière octroyée en 2021 par IFC à EthioChicken contribue aujourd'hui à l'expansion de l'entreprise et à l'amélioration de la disponibilité et de l'accessibilité des produits avicoles dans tout le pays. En outre, grâce à un prêt équivalent à 10 millions de dollars octroyé en birr éthiopien à EthioChicken par le Guichet de promotion du secteur privé de l'IDA (PSW), l'entreprise construit deux nouvelles fermes d'élevage et un nouveau couvoir, ce qui fera passer de 2,2 à 3,1 millions le nombre d'agriculteurs qu'elle pourra servir. Créé en 2017, le PSW permet à IFC, à la MIGA et à d'autres co-investisseurs d'entreprendre des projets à plus haut risque, en fournissant des garanties et des prêts pour des opérations à fort impact sur le développement qui n'attireraient pas autrement de financement privé. 

« Notre objectif est de faire en sorte que les agriculteurs soient plus riches et en meilleure santé », explique Justin Benade, le directeur général d'EthioChicken. « Notre ambition a toujours été de produire un poulet par personne et par an dans toute l'Éthiopie, et pour y parvenir, nous devons continuer à nous développer, donc au moins à doubler notre taille au cours des cinq prochaines années. »

Selon son modèle économique, EthioChicken vend des poussins d'un jour à des agents producteurs comme Mekia Mekonen, qui les élèvent jusqu'à ce qu'ils aient 45 jours et qu'ils soient capables de survivre à l'extérieur. À ce stade, les poulets — désormais plus robustes, en meilleure santé et moins sensibles aux maladies — sont vendus aux petits exploitants agricoles des environs, pour qui ils deviennent une source importante d'œufs et de protéines animales.

L'agriculture est primordiale en Éthiopie, puisqu'elle représente un tiers du produit intérieur brut (PIB) et deux tiers de l'emploi. En élargissant son réseau d'agents producteurs, EthioChicken créera des emplois indirects pour les entrepreneurs ruraux et les agriculteurs. Actuellement, l'entreprise travaille avec près de 7 000 éleveurs et ce nombre devrait passer à environ 12 000 au fur et à mesure de l'expansion des activités.

Compte tenu de l'insécurité alimentaire croissante, la malnutrition reste très répandue dans le pays et EthioChicken s'est donné pour mission de lutter contre les carences nutritionnelles. Près de 20 % de la population éthiopienne est sous-alimentée et les taux de retard de croissance (36,8 %) et d'émaciation (7,2 %) chez les enfants dépassent la moyenne de l'Afrique. Dans certaines des régions les plus pauvres du pays, le taux de retard de croissance avoisine même les 50 %.

Le poulet est un aliment populaire en Éthiopie, mais il est souvent hors de portée d'une grande partie de la population. Par ailleurs, la production d'œufs est faible, ce qui se traduit par des prix élevés, une consommation limitée et un déficit d'apports nutritionnels. Par conséquent, le modèle d'entreprise d'EthioChicken est en parfaite adéquation avec les ambitions du gouvernement d'augmenter la production alimentaire, notamment avec un plan directeur pour l'élevage qui entend augmenter la production de viande de volaille de 247 % et la production d'œufs de 828 % d'ici à 2030.  

L'aide apportée aux petits exploitants en matière de vaccinations, de construction d'abris et de ventilation a contribué à la prospérité de leurs entreprises. Photo : Mulugeta Wolde L'aide apportée aux petits exploitants en matière de vaccinations, de construction d'abris et de ventilation a contribué à la prospérité de leurs entreprises. Photo : Mulugeta Wolde

 

Au titre du soutien apporté par IFC, son programme de leadership pour les agro-entreprises (ALP) aide à professionnaliser les agents qui s'occupent des volailles ainsi que les vendeurs d'aliments pour animaux, et favorise la disponibilité d'intrants de qualité pour les petits exploitants, y compris l'alimentation animale. Une initiative pilote s'est appuyée sur des programmes radio et des SMS pour promouvoir de bonnes pratiques, notamment pour la construction de hangars, la gestion de la santé et la comptabilité, tout en mettant les agriculteurs en contact les uns avec les autres.

Abdu Meri, éleveur dans le sud-ouest de l'Éthiopie, a appris à mieux prendre soin de ses volailles, à établir des programmes d'alimentation, à assurer une bonne ventilation et à vacciner ses animaux. Dans les semaines et les mois qui ont suivi, le taux de mortalité de ses poulets a chuté de façon spectaculaire. Il affirme aussi qu'outre l'amélioration de ses compétences comptables, il est désormais en mesure de servir du « doro wat » à sa famille pour les repas de fête, un ragoût populaire de poulet épicé et d'œufs qui était autrefois un luxe inaccessible. « Mes enfants ont maintenant une nourriture abondante qui répond à leurs besoins nutritionnels », déclare-t-il. « EthioChicken m'a appris qu'en travaillant dur, tout le monde peut avoir de la viande de poulet et des œufs dans son assiette. »

Le projet de services-conseil, qui s'est achevé cette année, a touché plus de 1 000 agents producteurs et plus de 70 négociants en aliments pour animaux dans quatre régions, ce qui a bénéficié à quelque 132 066 petits exploitants. La sensibilisation des agricultrices, en particulier, a été déterminante pour la réussite du programme, avec des formations ciblées sur le leadership, l'accès au financement, la prise de décision et la commercialisation, afin de contribuer à l'autonomisation des femmes, notamment en matière de promotion de la nutrition. Ces formations supplémentaires ont porté leurs fruits : les femmes participant au programme ont vu leur chiffre d'affaires augmenter de 116 % et, sur une période de trois ans, l'écart de chiffre d'affaires entre les hommes et les femmes s'est réduit, passant de 27 % en 2018 à 15 % en 2022.

Les premiers résultats sont prometteurs. EthioChicken distribue actuellement 35 millions de poussins par an et prévoit de s'étendre à de nouveaux marchés en Afrique subsaharienne. L'entreprise s'est déjà implantée au Rwanda, en Ouganda, au Kenya, au Ghana et en Côte d'Ivoire sous le nom de Hatch Africa.

Pour des agriculteurs comme Mekia Mekonen, la croissance continue de l'entreprise est une aubaine. Elle est d'ailleurs devenue une sorte de porte-parole officieuse et s'emploie à convaincre ses amis et ses voisins, en particulier les femmes, d'envisager un avenir dans le secteur de la volaille. « Vous pouvez vous occuper de votre foyer et de votre exploitation et réussir », dit-elle. « Mon expérience montre que c'est une activité que l'on peut démarrer avec peu de capital et qui donne de bons résultats. »


Développer les marchés de la volaille dans la région

EthioChicken est soutenu par le Mécanisme de financement en monnaie nationale du Guichet de promotion du secteur privé de l'IDA, qui permet à IFC d'octroyer aux clients un financement à long terme abordable en monnaie locale, décaissé en dollars, ce qui n'existe pas sur le marché éthiopien. Les instruments de financement mixte atténuent en outre le risque de change pour les clients dont les revenus sont en monnaie nationale, et facilitent la mise en œuvre de projets à fort impact pour les communautés locales. L'investissement dans EthioChicken devrait favoriser l'inclusivité du marché formel de la volaille, en développant à la fois l'utilisation de la race adaptée et un modèle d'entreprise correspondant aux besoins des agriculteurs et des consommateurs.

Le secteur de la volaille en Éthiopie n'en est qu'à ses débuts, mais la solide expérience d'EthioChicken contribue au développement d'un marché plus important. IFC constate que d'autres acteurs du marché en Afrique subsaharienne s'appuient sur l'expertise et les innovations de l'entreprise pour affiner leurs propres modèles inclusifs afin de structurer leurs opérations. Plusieurs entreprises de Tanzanie, du Nigéria, d'Afrique du Sud et de Zambie se sont ainsi lancées dans le segment de la volaille à double usage. Pour soutenir la croissance des marchés de la volaille — un facteur clé de la sécurité alimentaire dans la région —, IFC s'associe à la Fondation Bill et Melinda Gates pour développer ce modèle d'élevage avicole et inciter les entreprises à introduire ou à développer leurs opérations existantes dans ce sens, ce qui améliore l'accès à des sources abordables de protéines animales. 

Plus d'informations ici sur le Guichet de promotion du secteur privé de l'IDA.

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