Story

Changement climatique et développement : le point de vue des experts sur une transition juste pour les populations et pour la planète

novembre 8, 2022

À l'heure où le monde entier porte son attention vers la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP27) à Charm el-Cheikh, en Égypte, les économies émergentes et en développement sont confrontées à toutes sortes de difficultés, qui viennent s’ajouter aux conséquences des dérèglements du climat : hausse des prix de l'énergie et des produits alimentaires, aggravation de la pauvreté, multiplication des conflits... En octobre 2022, le changement climatique a été au centre des débats lors des Assemblées annuelles du Fonds monétaire international et du Groupe de la Banque mondiale. Il y a été question du potentiel des marchés carbone, du financement de la transition énergétique dans les économies en développement et d'une transition juste pour tous. Voici quelques extraits d'échanges avec d'éminents spécialistes de l'action climatique qui ont participé aux Assemblées :

Dirk ForristerCrédit photo: Mikael Reventar/World Bank

Dirk Forrister, président-directeur général de l’Association internationale pour l'échange de droits d'émission (IETA)

« Je représente une grande partie du monde de l'entreprise soucieuse de faire plus pour le climat à l'aide des marchés carbone. Pour atteindre les objectifs, tout le monde a besoin d'aide. Personne ne peut y parvenir de manière isolée. Il faut avoir des partenaires, qu'ils soient technologiques, climatiques ou transfrontaliers. Si nous restons balkanisés, nous n'y arriverons pas.

Nous nous trouvons à un tournant, après des années à attendre qu'on se mette d'accord sur les règles de l'article 6 [de l'accord de Paris], ce qui s'est produit l'an dernier. Il existe une demande immense dans le monde des entreprises, en partie suscitée par les investisseurs, qui veulent savoir comment ces entreprises concrétisent leurs aspirations à une neutralité carbone, et aussi par les États, qui poussent leur secteur privé à agir davantage. Ils adoptent des lois imposant la réduction des émissions de carbone. Les instruments prévus par l'article 6, qui permettent la coopération entre pays, sont indispensables à la réalisation des objectifs de l'accord de Paris car, si chacun essaie d'atteindre son but dans l'isolement, rares seront ceux qui atteindront la neutralité carbone. »

Annette NazarethCrédit photo: Mikael Reventar/World Bank

Annette Nazareth, présidente de l’Integrity Council for the Voluntary Carbon Market

« À l'Integrity Council, l'un des axes de notre travail, en plus de la définition de principes pour les crédits carbone, porte sur les marchés [du carbone]. Nous sommes convaincus qu'il faut développer ces marchés et, bien que nous ne soyons pas opposés à la poursuite de contrats bilatéraux, nous espérons voir un jour cette activité se dérouler sur des marchés d'échanges et des plateformes électroniques. Les marchés du monde entier ont hâte de fonctionner ainsi. J'espère que les marchés carbone volontaires vont prendre leur essor dès que nous aurons parachevé nos principes, car, comme je le disais, des acteurs importants des marchés financiers, comme les bourses, les courtiers et d'autres, ont un énorme appétit pour ces produits et tiennent à être présents. »

Slawomir KrupaCrédit photo: Mikael Reventar/World Bank

Slawomir Krupa, directeur général de la division Banque de financement et d’investissement et futur directeur général de la Société Générale

« Aujourd'hui, la finance durable est surtout un marché d'émetteurs développés. Il y a donc un fossé à combler. Mais la prise de conscience est là, de même que les fonds et, de toute évidence, les besoins en investissement. Atteindre nos objectifs de développement durable et de transition énergétique au niveau mondial est impossible si nous n'agissons pas plus dans les pays émergents. L'avantage, pour beaucoup d'entre eux, est qu'ils sont riches en ressources renouvelables. Ainsi, l'Afrique dispose d'environ 40 % des ressources solaires mais de seulement 2 % de la capacité de production. La question est pour nous de savoir comment faire pour que cela fonctionne, comment canaliser le plus efficacement possible les financements disponibles vers les besoins en investissement. Nous tenons absolument à contribuer à la solution. Cela s'inscrit dans notre mission. »

Nicholas SternCrédit photo: Mikael Reventar/World Bank

Nicholas Stern, professeur d’économie et de gouvernance (chaire I.G. Patel) à la London School of Economics

« Il est clair qu'afin de tenir nos engagements, nous devons accroître les investissements partout dans le monde. L'important, c'est l'ordre de grandeur à atteindre pour les marchés émergents et les économies en développement. En excluant la Chine, cela suppose un investissement supplémentaire d'environ 2 000 milliards de dollars par an d'ici à 2030. Peut-être qu'il serait possible d'en financer 1 000 milliards en interne. Il faut donc encore 1 000 milliards de dollars de flux externe par an. Là est évidemment le défi.

Mais c'est ainsi que nous écrirons l’histoire de la croissance et du développement au 21e siècle. Il ne suffit pas d'additionner climat et développement. L'enjeu est plus élevé. La volonté d'atteindre la neutralité carbone décide de la croissance de ce siècle. »

Karima OlaCrédit photo: Mikael Reventar/World Bank

Karima Ola, associée chez LeapFrog Investments

« On ne peut parler de croissance inclusive si l’on n'aborde pas la question climatique, car l'évolution vers la neutralité carbone a des conséquences différentes selon les populations. L'Afrique, qui ne contribue qu'à hauteur d'environ 3 % à l'empreinte carbone mondiale, subit en première ligne les effets du changement climatique. L'agriculture y souffre de conditions météorologiques extrêmes, alors qu'on sait qu'elle participe à la subsistance de 70 % des Africains. Il faut que demain, une transition juste permette le développement, en même temps que des investissements dans les technologies propres. »

Publié en novembre 2022