Renforcer la résilience des femmes entrepreneures en Afrique de l’Ouest
IFC travaille avec des assureurs en Afrique de l'Ouest pour améliorer l'accès des femmes aux produits d'assurance.

· En Afrique, les femmes constituent la majorité des travailleurs indépendants dans les secteurs non agricoles.
· Mais peu d’entre elles sont assurées, ce qui les expose à de nombreux risques.
· IFC travaille avec des assureurs de la région pour améliorer la protection financière des femmes.
Depuis qu’elle a assuré son entreprise de création textile à Accra, la capitale du Ghana, Edwina Ama Assan passe de bien meilleures nuits.
En 2020, elle a souscrit une police d’assurance spécialement conçue pour les femmes entrepreneures au Ghana. Moyennant 1 050 cedis par an (environ 175 dollars), elle dispose désormais d’une couverture pour son activité professionnelle et pour son domicile. Et, surtout, elle a gagné en tranquillité d’esprit.
« Quand vous dirigez une entreprise, vous êtes confrontée à toutes sortes de risques », explique la fondatrice et directrice d’Edtex, une société qui produit des batiks savamment élaborés et colorés. « Il peut y avoir un incendie, il peut y avoir un cambriolage ou tout autre type d'incident. »

Edwina Ama Assan, fondatrice et directrice d’Edtex. Photo: Kobina Aidoo
Edwina Ama Assan, fondatrice et directrice d’Edtex. Photo: Kobina Aidoo
Son assurance couvre son bureau à Accra et son atelier dans la ville portuaire de Tema, à 25 kilomètres de la capitale, contre le vol, l’incendie ou les inondations. Elle assure également les dommages causés à ses marchandises en transit et les accidents du travail, pour elle et ses sept employés.
La police d’assurance à laquelle a souscrit Edwina Ama Assan a été développée dans le cadre du programme Activ’Lady. Lancé en 2019 par la filiale ghanéenne d’Activa Finance Limited, une compagnie d’assurance panafricaine, Activ’Lady vise à renforcer la protection des femmes, et en particulier des entrepreneures.
L’initiative d’Activa a été soutenue par IFC avec l’objectif à long terme de parvenir à une participation égale des femmes et des hommes dans les économies émergentes comme le Ghana. Le but est notamment d’aider les femmes à renforcer leur résilience aux chocs, à développer leurs entreprises et à accroître leur niveau d’engagement dans le secteur privé.
Un segment négligé
Selon des données de la Banque mondiale, les femmes constituent 58 % des travailleurs indépendants dans les secteurs non agricoles en Afrique. Partout sur le continent, elles gèrent des entreprises dans tous les secteurs, subvenant ainsi à leurs besoins et à ceux de leurs familles et fournissant des biens et des services essentiels.
Or, très rares sont les femmes entrepreneures à être conscientes des avantages d’une assurance — ou à avoir les moyens de s’offrir une couverture. Et elles sont malheureusement nombreuses à avoir vu leurs moyens de subsistance anéantis d’un seul coup lors d’une catastrophe, qu’il s’agisse d’une urgence sanitaire, d’un vol ou d’un choc climatique.
« Je connais des gens qui ont vécu des choses difficiles et je sais à quel point ils ont dû batailler pour relancer leur activité », explique Edwina Ama Assan. « Je ne voulais pas subir ça. J’ai décidé d’agir. »
Le taux de pénétration de l’assurance en Afrique — le volume de primes en pourcentage du PIB — est inférieur à 3 %, femmes et hommes confondus, loin derrière la moyenne mondiale de 7,4 %.
Une étude de 2015 pilotée par IFC a révélé que les compagnies d’assurance en Afrique, et dans d’autres marchés émergents, avaient tendance à négliger la clientèle féminine. Selon ce rapport, bon nombre d’assureurs n’ont pas conscience des besoins croissants des femmes en matière d’assurance ou manquent de compétences pour concevoir des produits à leur intention.
Le faible taux de couverture en assurance des femmes est préoccupant en raison du rôle central que joue l’assurance pour soutenir la croissance et la stabilité économiques, en offrant aux individus, aux familles et aux communautés une protection contre les chocs économiques, sociaux et environnementaux.
Un entrepreneur assuré peut affronter ces aléas et prendre des risques plus calculés. Il bénéficie également d’un meilleur accès au crédit. Pour les femmes entrepreneures dans les pays en développement et émergents, ces bénéfices sont particulièrement importants.
« Les banques des pays émergents ne prêtent pas aux femmes autant qu’elles le pourraient parce qu’en général, cette clientèle ne peut pas offrir les garanties nécessaires, comme une maison, pour obtenir un prêt », souligne Fatou Giwa, responsable du Programme d’Assurance pour les Femmes d’IFC. « Une cheffe d’entreprise non assurée qui perd tout aura énormément de difficultés à remonter la pente. »
« On ne vend pas une police d’assurance à une femme comme on le fait avec un homme. Une femme veut une solution, pas un produit. Elle privilégie la relation à la transaction."
Fatou Giwa, responsable du Programme d’Assurance pour les Femmes d’IFC


Des stratégies spécifiques au genre
Les compagnies d’assurance se penchent désormais sur le marché, jusque-là négligé, de l’assurance des femmes en Afrique, avec de nouveaux produits et solutions.
Selon le rapport SheForShield, en mettant l’accent sur la clientèle féminine, les compagnies d’assurance pourraient générer jusqu’à 1 700 milliards de dollars à l’échelle mondiale d’ici 2030, dont la moitié dans les pays émergents. Au Nigéria, le pays le plus peuplé du continent, la valeur de ce marché pourrait être multipliée par 13 entre 2013 et 2030.
« Les femmes constituent un créneau encore largement sous-exploité par les assureurs. Alors qu’elles sont omniprésentes dans le secteur informel, c’est un domaine où ces compagnies s’aventurent peu », indique Belinda Ofori, responsable du bureau Retail and Gender chez Activa International Insurance Company au Ghana. « Il existe de nombreuses possibilités d'accroître nos revenus tout en ayant un impact positif sur la vie des femmes. »
En Afrique subsaharienne, les initiatives pour accroitre le taux d’assurance des femmes gagnent du terrain, avec les programmes lancés récemment par AXA Mansard au Nigéria, Activa au Ghana et au Cameroun ou Leadway Vie en Côte d’Ivoire.
IFC a accompagné ces institutions – et d’autres – à travers son Programme d’Assurance pour les Femmes, qui aide les compagnies d’assurance et les institutions financières à se doter de stratégies sur-mesure pour mieux servir le public féminin.
Dans le cadre de son soutien, IFC aide ces sociétés à recruter davantage d’agents d’assurance femmes et forme leur personnel — de la direction aux équipes commerciales — à décrypter les besoins des femmes en matière de produits financiers, élaborer des solutions adaptées et nouer des partenariats avec des organisations féminines.

Belinda Ofori, responsable du bureau Retail and Gender chez Activa International Insurance Company au Ghana. Photo: Kobina Aidoo
Belinda Ofori, responsable du bureau Retail and Gender chez Activa International Insurance Company au Ghana. Photo: Kobina Aidoo

Solutions abordables
En matière de solutions, les femmes sont en général intéressées par des produits complets, qui les couvrent elles et leur famille. Elles attachent aussi une importance particulière aux services non financiers tels que des formations ou des possibilités de mise en réseau, précise Fatou Giwa.

Le siège d'Activa International Insurance Company à Accra. Photo: Kobina Aidoo
Le siège d'Activa International Insurance Company à Accra. Photo: Kobina Aidoo
« On ne vend pas une police d’assurance à une femme comme on le fait avec un homme, » dit-elle. « Une femme veut une solution, pas un produit. Elle privilégie la relation à la transaction. C’est pour cela que les assureurs doivent adopter leurs produits et leurs services, afin d’offrir aux femmes des solutions sur-mesure correspondant à leurs besoins. »
En plus des femmes cheffes d’entreprise, les compagnies d’assurance développent aussi des produits spécifiques pour les femmes à faible revenu.
Activa a ainsi lancé en 2021 un produit d’assurance santé pour les commerçantes de Douala, le poumon économique du Cameroun. Ces « buyam-sellams », comme on les appelle, ont rarement les moyens de s’offrir une couverture traditionnelle, ce qui les oblige, en cas de problèmes de santé, à recourir à des prêts informels coûteux.
Le produit élaboré par Activa assure une couverture médicale annuelle allant jusqu’à 450 dollars, pour une prime d’environ 45 dollars, soit moins de 4 dollars par mois.
« C’est une bonne chose pour nous », estime Mary Neh Ngwa, à la tête du groupe des commerçantes du marché de Mambanda, à Douala, qui représente des centaines de femmes. « L’assurance coûte cher au Cameroun et, en général, les commerçantes n’ont pas les moyens d’y souscrire. Le fait de bénéficier d’une couverture santé abordable leur permettra d’être à l’abri en cas de maladie, et ce faisant, de préserver leurs moyens de subsistance. »
Créer de la confiance
Depuis 2016, les compagnies d’assurance soutenues par IFC ont vendu pour plus de 19 millions de dollars de produits d’assurance à des femmes au Nigéria, au Ghana et au Cameroun. Pour la seule année 2020, plus de 80 000 femmes assurées ont été accompagnées dans ces trois pays.
C’est un début prometteur, même si des millions de femmes africaines ne sont toujours pas assurées et restent, de ce fait, vulnérables.
Cette situation est d’abord liée à un problème de confiance. Parce qu’ils n’ont pas su gérer les indemnisations de manière satisfaisante, certains acteurs du secteur ont acquis une mauvaise réputation. L’assurance, aussi, est souvent considérée comme un produit de luxe aux avantages intangibles.
« Pour de nombreuses femmes, l’assurance est un concept nouveau, donc cela requiert beaucoup de pédagogie », explique Perside Mouliom, à la tête de la Commonwealth Women’s Association du Cameroun (COWAC), qui s’est associée à Activa pour sensibiliser les commerçantes aux bienfaits de l’assurance.
Enfin, bon nombre de femmes estiment, grâce à leur foi, disposer d’une alternative imparable à l’assurance.
« C’est là un enjeu crucial pour développer l’assurance en Afrique », souligne Belinda Ofori d’Activa. « Beaucoup d’Africains comptent sur une protection divine et n’ont donc que défiance vis-à-vis de l’assurance. Malgré tout, nous avons désormais beaucoup plus d’éléments pour comprendre les besoins des femmes en matière d’assurance et leur proposer des produits adaptés. »
Pour Edwina Ama Assan, c’est sa croyance en l’assurance qui a changé la donne : « Pour moi, c’est la solution parfaite parce que ma police d’assurance couvre pratiquement tout », se réjouit-elle. « L’assurance apporte beaucoup de réconfort, surtout quand accorde, comme moi, une grande importance à son entreprise. »
Publié en mars 2022