Reconstruire la Türkiye
De nouveaux financements d’IFC vont soutenir les entreprises et la relance dans une région dévastée par le séisme

Ville tentaculaire et densément peuplée, Gaziantep s'étend dans le centre-sud de la Türkiye, entre vergers et oliveraies. Important centre d'échanges et de commerce depuis l'Antiquité, la métropole est célèbre pour ses pistaches, ses baklavas et ses cafés traditionnels animés, autant que pour son histoire riche et éclectique. C’est l’une des plus anciennes villes du monde habitées sans discontinuité depuis ses premiers habitants.



Il y a un an, cependant, une tragédie s'est produite.
Plus de

morts
Près de

d’habitations détruites ou endommagées
Il y a un an exactement, un double séisme meurtrier frappait Gaziantep, proche de l'épicentre, et le sud-est de la Türkiye : de Hatay à Şanlıurfa, 11 provinces sont dévastées, soit une superficie de l’ordre de celle de l’Allemagne. Le séisme de magnitude 7,8 et sa réplique de magnitude 7,5 tuent plus de 50 000 personnes, tandis que près de 2 millions d’habitations sont détruites ou endommagées.
Les conséquences économiques sont désastreuses pour la région et le pays : selon de premières estimations de la Banque mondiale, le coût des dégâts matériels s’élèverait à 34,2 milliards de dollars, soit l’équivalent de 4 % du PIB national en 2021. Les tremblements de terre ont notamment touché les routes, les aéroports et les oléoducs de la région, mais aussi des infrastructures clés comme le port d’Iskenderun, l’un des plus grands du pays. Au-delà de ces dommages directs, le coût du relèvement et de la reconstruction sera probablement bien plus élevé.

Abris temporaires qui accueillent encore de nombreuses personnes après le tremblement de terre. Photo : Pınar Gedikozer.
Abris temporaires qui accueillent encore de nombreuses personnes après le tremblement de terre. Photo : Pınar Gedikozer.
Un an plus tard, l’ampleur de la tâche reste immense. Les débris ont été en grande partie déblayés, mais des milliers de sinistrés vivent toujours dans des hébergements temporaires et beaucoup d’autres ont dû partir ailleurs. Dans les rues détruites et endommagées, les immeubles d’habitation et les équipements industriels ont laissé la place au vide.
Malgré l'épreuve de la dévastation, la résilience des habitants est frappante et leur détermination à reconstruire leurs vies et leurs villes manifeste. Mais pour y parvenir, ils auront besoin de l’aide cruciale des autorités locales, des entreprises, des ONG et des partenaires de développement, souligne Cem Tüfekçi, à la tête de l'équipe spéciale séismes de la TÜSİAD, l'association des entrepreneurs et industriels de Turquie.
« De nombreuses villes devront être totalement reconstruites, ce qui implique d'agir sur de multiples dimensions et à plusieurs niveaux », explique M. Tüfekçi. « Ce processus doit intégrer divers enjeux : la sécurité des bâtiments, la construction d’infrastructures énergétiques ou autres solides, mais aussi une transformation verte et numérique. Il est indispensable de redynamiser la vie économique et l’emploi formel dans la région. »
Soit autant d’enjeux qui sont au cœur des efforts déployés par IFC pour soutenir la relance.

Soutenir les petites entreprises
La situation est particulièrement difficile pour les micro et petites structures qui constituent la majorité des entreprises privées de la région. On estime que près d’un quart d’entre elles, soit quelque 110 000 micro, petites et moyennes entreprises (MPME), ont été plus ou moins touchées par les séismes de 2023.
Le tissu des petites entreprises locales représente près de 350 000 emplois et constitue souvent la principale source de travail pour les ménages les plus pauvres. Aujourd’hui un grand nombre d'entre elles se débattent pour survivre, alors qu’elles pâtissent non seulement d’un manque de financements, chronique même en temps normal, mais aussi de l’exode de la main-d'œuvre et des dommages causés aux infrastructures de base.
À Gaziantep, l’entreprise d’emballage Atasan Ambalaj emploie 88 personnes. Ses murs sont restés en grande partie intacts, mais les secousses ont déréglé toutes ses imprimantes.
« Il nous a fallu beaucoup de temps et d’énergie pour remettre les machines en état de marche, ce qui nous a empêchés de travailler normalement pendant plusieurs mois », se souvient Ertan Üğüdür, le propriétaire. « Comme beaucoup de nos ouvriers ne pouvaient plus vivre chez eux, nous avons transformé l’usine en lieu d'accueil, et ils ont campé là pendant plusieurs semaines. »
En décembre dernier, afin d’aider les entreprises de la région à surmonter leurs difficultés, IFC a apporté une enveloppe de financement de 530 millions de dollars, dont 220 millions mobilisés auprès d’institutions financières internationales et d’organismes de développement.
Ce financement, dont le montant est l’un des plus importants jamais consentis à des institutions financières en Türkiye, permettra à cinq grandes banques privées turques, toutes partenaires de longue date d’IFC, d’apporter des fonds aux petites entreprises. Beaucoup ont perdu des employés dans le séisme, et certaines sont encore provisoirement installées dans des containers.

Hela Cheikhrouhou, vice-présidente régionale d'IFC, visite les locaux temporaires d'une banque partenaire. Photo : Pınar Gedikozer.
Hela Cheikhrouhou, vice-présidente régionale d'IFC, visite les locaux temporaires d'une banque partenaire. Photo : Pınar Gedikozer.
Les cinq banques bénéficiaires sont les suivantes : Akbank, (71 millions de dollars), DenizBank (119,5 millions de dollars), QNB Finansbank (109,5 millions de dollars), Türkiye İş Bankası (150 millions de dollars) et Yapi Kredi Bankasi (80 millions de dollars).
Ce soutien est essentiel selon Hela Cheikhrouhou, vice-présidente régionale d’IFC pour le Moyen-Orient, l’Asie centrale, la Türkiye, l’Afghanistan et le Pakistan : « Les petites entreprises sont des moteurs de croissance, d’innovation et de création d’emplois, mais elles sont particulièrement vulnérables aux catastrophes naturelles. Parce que les ménages et les autres entreprises sont tributaires des emplois et des services qu’elles procurent, il est crucial de faire en sorte qu’elles puissent fonctionner à nouveau. »


« Les petites entreprises sont des moteurs de croissance, d’innovation et de création d’emplois, mais elles sont particulièrement vulnérables aux catastrophes naturelles. Parce que les ménages et les autres entreprises sont tributaires des emplois et des services qu’elles procurent, il est crucial de faire en sorte qu’elles puissent fonctionner à nouveau. »
Reconstruire en mieux

Avec quelque 15 000 employés, le groupe industriel Sanko Holding est le premier pourvoyeur d’emplois dans la région. Fondé à Gaziantep il y a 120 ans, il regroupe des entreprises dans des secteurs variés, comme le textile, la production d’énergie, l'emballage, la finance, la santé ou l'éducation.
Sanko n'a pas eu de dégâts matériels conséquents à déplorer, mais les séismes ont coûté la vie à 31 de ses salariés. Le groupe a mobilisé toutes ses ressources pour soutenir les efforts de relèvement : il a hébergé des milliers d’habitants, fourni des milliers de repas chauds, participé aux opérations de recherche et de sauvetage, et transformé les installations de stockage en entrepôts d’aide humanitaire.
Un prêt d’IFC d’un montant de 150 millions de dollars aide à présent Sanko Holding à « reconstruire en mieux », en se dotant notamment de nouveaux équipements de production économes en énergie et certifiés écologiques. En plus de stimuler la compétitivité, ce financement « vert » devrait créer 1 400 emplois directs et 4 000 emplois indirects, principalement dans la région sinistrée.
Ce projet témoigne de l’engagement du groupe « à soutenir une croissance durable, après les deux tremblements de terre dévastateurs qui ont frappé notre ville natale », souligne Adil Sani Konukoğlu, le président de Sanko Holding. « Il accélérera notre transition vers un modèle d’économie circulaire et contribuera au redressement de la région, ainsi qu’à notre propre quête de durabilité. »
Le financement est destiné à trois entreprises manufacturières. La première, Sanko Textile, est spécialisée dans la fabrication de fils et tissus durables, de la filature à l’impression, en passant par le tricotage et teinture. Avec le financement d’IFC, l'entreprise pourra s'équiper d’une nouvelle filature certifiée écologique et d’une installation de recyclage. Des investissements qui lui permettront de devenir le premier producteur mondial de fibres recyclées et de couvrir jusqu’à 40 % de ses besoins énergétiques à partir de sources renouvelables.
Autre filiale de Sanko, Super Film est l’un des principaux fabricants européens de film plastique étirable, un produit largement utilisé dans les emballages industriels. Le financement d’IFC lui permettra de construire une unité de fabrication écologique et d’accroître ainsi l’utilisation de ressources renouvelables. L’entreprise pourra également se concentrer davantage sur la fabrication de produits spéciaux à partir de contenu recyclé.

Hela Cheikhrouhou, vice-présidente régionale d'IFC, rencontre l'équipe de direction de Sanko. Photo : Pınar Gedikozer.
Hela Cheikhrouhou, vice-présidente régionale d'IFC, rencontre l'équipe de direction de Sanko. Photo : Pınar Gedikozer.
Enfin, Çimko, producteur et exportateur mondial de ciment et de clinker, s'attachera aussi à améliorer son efficacité énergétique et à recourir davantage à des énergies renouvelables et à des combustibles de substitution. L’objectif est de réduire l’empreinte carbone de l'entreprise et d’améliorer sa viabilité énergétique.
Comme l'explique Mme Cheikrouhou, ces deux enveloppes de financement s’inscrivent dans le cadre d’un effort concerté du Groupe de la Banque mondiale en vue de faire face aux effets dévastateurs du double séisme et d’aider la région à se relever.
IFC prévoit de déployer environ 1 milliard de dollars au cours des deux prochaines années pour soutenir les opérations de secours et de reconstruction, par l’intermédiaire de partenaires privés de longue date dans le secteur financier, l’industrie manufacturière et les infrastructures.
« La population turque a fait preuve d’une résilience extraordinaire face aux tragiques évènements de l'année dernière », souligne-t-elle. « IFC entend continuer à soutenir le redressement du pays en valorisant l’esprit d’entreprise qui le caractérise pour impulser une croissance forte et durable tirée par le secteur privé. »
Traduction française publiée en février 2024

